Psy à chien (2) : mais qui est le premier psy à chien ?

Le chien est intimement lié à l’invention de la psychanalyse. Anna et Sigmund Freud ont ouvert très tôt les portes de leur cabinet à leurs animaux.

J’ai franchement déculpabilisé de prendre mon chien avec moi au cabinet le jour où j’ai appris que Sigmund Freud lui-même était accompagné en séance par ses chiens. L’inventeur de la psychanalyse serait donc le premier psy à chien ? Pas tout à fait. Les chiens font leur entrée très tard dans la vie du neurologue viennois. Il a déjà 70 ans passés quand le 1er juin 1925, il offre Wolf, un berger allemand, à sa fille Anna. Dans la Vienne des années vingt, il n’est pas si aisé pour une jeune femme de déambuler seule dans les rues. Freud veut protéger sa fille.

Rendons à Anna ce qui appartient à Anna, la première psy à chien, c’est elle. Dès 1926, Wolf est présent quand elle commence à pratiquer. Les patients qui ont témoigné de leur expérience de thérapie se rappellent une pièce qui sentait le chien et Wolfi qui, accompagnant sa maîtresse pour ses huit séances quotidiennes, se mettait parfois à gronder sans raison…

Coup de foudre

Sigmund Freud va avoir un véritable coup de foudre pour le chien de sa fille. A tel point qu’Anna expliquera plus tard que son père a transféré sur Wolfi tout son amour pour elle. Il s’accapare même l’animal dès qu’il en a la possibilité et le chien assiste ainsi aux réunions de travail du fondateur de la psychanalyse. Le berger allemand ira jusqu’à mordre Ernest Jones, le fidèle disciple et biographe de Freud. Anna offrira à son père une photo du chien qui figurera en bonne place dans le bureau du psychanalyste. Ce dernier avouera n’avoir pas ressenti une telle affection depuis la mort de son petit-fils en 1923 : « Wolfi a presque remplacé Heinerle ». Anna va alors inciter son amie Dorothy Burlingham à offrir un chien à son père pour le détourner de sa fixation sur Wolf et récupérer son chien.

C’est ainsi qu’en juin 1928, Freud adopte Lün Yu, une femelle chow-chow, une race dont il apprécie le profil léonin. L’animal connaîtra malheureusement un destin tragique au cours de l’été. Il est perdu dans la gare de Salzburg par la personne chargée de le ramener de Berchtesgaden, le lieux de villégiature estivale de Freud, à Vienne. On retrouvera Lün Yu quelques jours plus tard, écrasée sur une voie ferrée. « Cela ressemble, sinon par l’intensité du moins par la qualité, à la douleur qu’on ressent à la perte d’un enfant » écrira le neurologue. Quelques mois plus tard, en mars 1930, Dorothy Burlingham offre à l’inventeur de la psychanalyse la sœur de Lün Yu. Elle s’appellera Jofie (« beauté » en hébreu). Ce chien va l’accompagner pendant sept ans.

Métronome

Jofi assiste, allongée aux pieds du professeur, aux séances de thérapie et Freud s’aperçoit que la chienne est une aide pour libérer la parole des patients. Il observe ses réactions en fonction des personnes qu’il reçoit et des émotions qu’elles traversent. Les observateurs notent que ceux qui n’ont pas été adoubés par la chienne ne trouvent pas grâce aux yeux du maître viennois. Peu à peu, la jeune chienne va se caler dans l’espace et le temps de la séance : quand elle se lève, se dirige vers la porte et aboie, le patient sait que la séance et terminée. Elle devient le véritable métronome de la thérapie… Dans certains écrits, Freud va même jusqu’à conseiller à tous les psychanalystes d‘avoir un chien.

La chienne va également être un vrai soutien pour le psychanalyste, alors atteint d’un cancer de la mâchoire. Le neurologue devra supporter un nombre incroyable d’opérations et à la fin de sa vie, il devra porter une prothèse qui le fera souffrir énormément. « J’aurais voulu que vous puissiez voir quelle sympathie Jofie montre envers mes souffrances, exactement comme si elle comprenait tout » écrit le neurologue à Marie Bonaparte, qui possède également un chow-chow. Cette dernière écrira d’ailleurs un livre sur son chien, que Freud traduira en allemand.

Regain d’énergie

Quand Jofi disparaît à la suite d’une opération en 1937, une troisième femelle Chow-Chow pointe le bout de son nez dans la vie du psychanalyste. Il s’agit d’une nouvelle Lün. La chienne lui avait été offerte par Dorothy Burlingham en même temps que Jofie, mais la jalousie des deux chiennes avait incité Freud à rendre Lün à l’amie d’Anna. Ce dernier chien accompagnera Freud dans sa fuite de Vienne à Londres en 1938. A l’arrivée en Angleterre, il sera imposé à la chienne une longue quarantaine de six mois, période pendant laquelle le psychanalyste, alors âgé de 82 ans et très diminué par sa maladie, lui rend fréquemment visite au chenil où Lün est gardée. Freud récupère le chien en décembre de la même année. La chienne offre au fondateur de la psychanalyse, très diminué par son cancer, un regain d’énergie qui va durer un an. A la fin de l’été 1939, le cancer de la mâchoire s’est encore développé et le chien se détourne de son maître à cause de l’odeur nauséabonde qui se dégage de sa bouche. Freud en concevra une immense tristesse. Quelque jours plus tard, il rappelle à son médecin sa promesse « de ne pas l’abandonner quand le moment serait venu ». Freud s’éteindra le 23 septembre 1939 après plusieurs injections de morphine.

Patrick Déniel

Source : Jean-Pierre Kamieniak « Citizen Canis : Freud et les chiens » (Le Coq héron 2013/4 n°215)

Si vous êtes « psy à chien » ou « psy à chat », n’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires…

1 réflexion sur “Psy à chien (2) : mais qui est le premier psy à chien ?”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut