Quel genre de névrosé(e) êtes-vous ?

Phobique, obsessionnel ou hystérique ? Dans le podcast « L’inconscient », sur France Inter, le docteur J.D.Nasio dresse une cartographie de la névrose et de la façon dont elle se déploie chez chacun d’entre nous. Je me permets d’en livrer ici un résumé.

Nous sommes tous plus ou moins névrosés ! Tel est le point de départ de Juan-David Nasio, dans le podcast sur le thème de la névrose de l’émission « L’inconscient », diffusé en juin 2023 sur France Inter. Le psychiatre et psychanalyste franco-argentin y déploie toute sa capacité didactique dans un véritable condensé de psychopathologie à la portée de tous. La névrose est une des grande catégories qui structure la psychopathologie à côté de la psychose et des pathologies dites des « états-limites » ou borderline, qui empruntent à la fois à la névrose et à la psychose.

Il existe trois variantes de la névrose, explique Nasio : phobique, obsessionnelle ou hystérique. Insistons tout de suite sur le fait qu’il s’agit de grands repères et que les distinctions ne s’observent pas toujours de façon si tranchées à l’intérieur d’une personne et dans ses comportements. Dans chacune de ces trois variantes, une souffrance prédomine. La personne en proie à la névrose phobique est tiraillée par l’angoisse qu’elle cherche à l’éviter à tout prix (souvent en évitant de se confronter à la réalité). Le névrosé obsessionnel, centré sur son impossibilité à être au rendez-vous de ses attentes ou de celles des autres, est confronté à une forme d’impuissance. La névrose hystérique se rattache quant à elle davantage aux personnes centrées sur leurs difficultés amoureuses.

Six modalités de dysfonctionnement

Selon le psychanalyste, la névrose peut être résumée comme un ensemble dysfonctionnement de la personnalité selon six grandes modalités, qui vont se décliner différemment en fonction d’une personne phobique, obsessionnelle ou hystérique :

– Le névrosé est bercé par des rêves impossibles et se heurte à la réalité. Il est frustré ou insatisfait.

– Le névrosé a une image négative de lui-même. Pour la personne phobique, cela va passer par un jugement sur sa dépendance à l’autre. L’obsessionnel s’en veut de ne pas être à la hauteur de la tâche à accomplir. L’hystérique se désole de sa naïveté dans la relation amoureuse.

– Il a peur que l’autre le quitte (pour le phobique), l’humilie (dans le cas de l’obsessionnel) ou le trompe (dans le cas de l’hystérie). Autant de craintes la plupart du temps infondées, mais qui lui rendent la vie infernale.

– Sans être pervers, il a des accès compulsifs de perversion, c’est-à-dire des moments où il traite l’autre comme un objet de consommation et s’en sert sans faire état de sa personne. Le phobique va solliciter tellement l’autre qu’il l’étouffe. L’obsessionnel est dans le contrôle de l’autre, jusqu’à la tyrannie. Alors que l’hystérique sera dans la séduction capricieuse de l’autre pour l’exciter, le frustrer et le dominer.

– Le névrosé ne peut s’empêcher de se sentir de la culpabilité d’avoir fait du mal aux personnes aimées, dans des accès de voracité pour le phobique, de sadisme pour l’obsessionnel, et de perfidie pour l’hystérique.

– Il adopte sans s’en rendre compte un comportement avenant visant à masquer ses traits pervers, afin d’éviter les jugements et surtout éviter que l’autre ne le quitte. Pour cacher sa dépendance vorace, le phobique cherche à se montrer autosuffisant. L’obsessionnel cachera son désir de faire mal par de la gentillesse. L’hystérique masquera son envie de séduire et de frustrer l’autre par des marques d’amour et de tendresse.

« Narcissisme négatif »

Le névrosé souffre d’insatisfaction, mais en même temps cette insatisfaction le rassure. Il est centré sur lui-même, mais il ne s’aime pas : ce mouvement, J-D Nasio le qualifie de « narcissisme négatif ». Nous sommes tous en proie à ces traits névrotiques : tour à tout insatisfaits, égocentriques, angoissés, pervers, en proie à la culpabilité, ou en train de jouer un rôle… « Il est difficile d’établir une frontière entre le normal et le pathologique » souligne le psychiatre-psychanalyste. La description qu’il formule et que j’ai résumée ici reste dans le domaine de la névrose ordinaire, où il n’existe pas de symptômes caractérisés qui font basculer dans la névrose pathologique (attaques de panique dans la phobie, les troubles obsessionnels compulsifs pour la névrose obsessionnelle, ou les manifestations somatiques dans le cas de l’hystérie). De même, il est important de noter que les frontières entre les différents types de névroses ne sont pas aussi clairement définies dans la réalité, et une même personne peut emprunter des traits aux trois types de névroses.

Traumatisme et fantasme

C’est un fantasme infantile qui va être à l’origine de la névrose. Nasio définit le fantasme comme une scène dramatique vue ou vécue par l’enfant qu’il va rejouer sans cesse sans s’en rendre compte dans ses relations futures, en jouant tour à tout le rôle de la victime ou du bourreau. Ce fantasme qui est lui-même la réponse à un traumatisme (un « gros » traumatisme ou une succession de « petits » traumatismes) que l’enfant a subi. Le traumatisme consiste en une grande excitation, une énorme charge d’énergie que le psychisme du petit enfant ne peut contenir ou amortir. Si l’on reprend notre catégorisation : le phobique aura probablement subi un abandon, l’obsessionnel une maltraitance (physique ou psychique) et l’hystérique aura été abusé ou trop érotisé. La personnalité de l’enfant, de l’adolescent puis de l’adulte, va alors être d’une certaine façon déformée par les six dysfonctionnements présentés plus haut, et la névrose s’installe. Le travail de thérapie permet de revenir aux sources de ces fantasmes et traumatismes infantiles et de renégocier le psychisme afin que la structure névrotique soit moins marquée.

Patrick Déniel

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